2016
Lettre ouverte au Premier Ministre Couillard
Monsieur le Premier ministre,
Au nom des femmes des 10 nations autochtones présentes au Québec, et réunies en Assemblée générale de Femmes Autochtones du Québec les 2 et 3 avril 2016, et avec l’appui de plusieurs organisations du Québec, je vous adresse cette lettre afin de partager notre insatisfaction quant à la manière dont votre gouvernement répond aux allégations graves d’agressions sexuelles et d’abus perpétrés par des agents de la Sûreté du Québec envers des femmes autochtones. Ces agressions ont été dénoncées lors de deux émissions d’Enquête, et proviennent de femmes résidant à Val-d’Or et ailleurs au Québec.
La confiance des femmes autochtones envers les corps de police censés les protéger ne peut être rétablie en confiant à un autre corps de police les enquêtes portant sur ces allégations. La décision du 5 avril dernier du ministre de la Sécurité publique d’étendre l’enquête portant sur les allégations de Val-d’Or sur les autres allégations ne règle en rien le besoin d’une approche crédible, impartiale et satisfaisante aux yeux des femmes autochtones et des organisations qui soutiennent leur démarche. Ces enquêtes de nature criminelle sont nécessaires, mais sont loin d’être suffisantes pour étudier de manière approfondie la nature de la discrimination systémique des relations entre les corps de police et les femmes autochtones. Ce n’est d’ailleurs pas leur mandat, quelle que soit la conclusion de ces enquêtes. Des enquêtes impartiales sont donc nécessaires d’une part et des solutions durables et véritablement fondées sur la volonté politique de changement et de lutte à l’impunité doivent être identifiées d’autre part.
Par ailleurs, nous déplorons encore une fois que notre organisme n’ait pas été consulté lorsqu’il s’est agi de répondre à des situations qui nous concernent et pour lesquelles nous vous avions d’ailleurs interpellé. Votre gouvernement ne peut se passer entre autres de l’expertise et l’expérience de notre organisation et de nos membres. Et pourtant, nous avons documenté les violences faites aux femmes autochtones. La recherche véritable de solutions commence par respecter les voix des différents organismes qui représentent les communautés autochtones. Il est d’une importance capitale que nous soyons consulté afin que des approches concertées et culturellement adaptées soient mises en place avec toute la confiance qu’elles requièrent.
Voici nos demandes à votre gouvernement :
– Tel que demandé en février dans une lettre collective adressée par Amnistie internationale, les enquêtes criminelles en cours doivent faire l’objet d’un maximum de transparence, et ne pas nuire aux femmes autochtones qui ont témoigné. Toutes les ressources doivent être disponibles pour accompagner les femmes qui ont eu le courage de témoigner dans Enquête.
– Nous notons la proposition de la Commission des droits de la personne du Québec et des droits de la jeunesse de confier les enquêtes en cours au Bureau des enquêtes indépendantes, ce qui constituerait une amélioration. C’est une proposition que nous devrons discuter en consultation pourvu qu’elle garantisse indépendance, impartialité et crédibilité aux yeux des femmes autochtones.
– Une enquête ou une entité indépendante doit se pencher sur les relations entre la police et les femmes autochtones afin de mettre fin à la discrimination systémique, en identifiant les solutions durables de changement.
– Votre gouvernement doit participer activement à l’enquête sur les femmes autochtones assassinées et disparues avec toute la volonté politique et l’ouverture nécessaires pour changer des pratiques notamment des forces policières québécoises et qui génèrent des violences et de la discrimination envers les femmes autochtones.
– Votre gouvernement doit nous consulter.
Les représentantes de Femmes autochtones du Québec :
Organismes appuyeurs :